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"Nous croyons beaucoup au rebond de l'Europe, et notamment de la France"

21 septembre 2020
Leader mondial d’équipements et de systèmes complets pour les industries de la chimie fine et de la pharmacie, le groupe français De Dietrich Process Systems (DDPS) entrevoit de belles perspectives avec le mouvement de relocalisation de la production de certaines matières actives en Europe. Pour autant, sa stratégie ne s’arrête pas là. DDPS est aussi engagé dans la chimie du végétal ou le recyclage de l’amiante, comme le détaille Jacques Moulin, son directeur général.

InfoChimie magazine : Pouvez-vous présenter la société De Dietrich Process Systems que vous dirigez depuis mars 2019 ?
Jacques Moulin : De Dietrich Process Systems est une société familiale, leader mondial d’équipements, de systèmes complets et de solutions de procédés pour les industries pharmaceutiques, de la chimie et de la chimie fine. Après deux années difficiles en 2017 et 2018, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 163 millions d’euros en 2019, ce qui correspond à un retour à notre niveau d’activité standard. Nous employons plus de 1 000 personnes, avec une présence dans 14 pays. Au départ, la société était essentiellement spécialisée dans la fabrication de réacteurs émaillés permettant de travailler dans des conditions extrêmement corrosives.
Dans les années 2000, une diversification a été engagée pour offrir à DDPS une vision complète sur les installations. Ainsi, nous avons associé à la ligne émail une ligne verre avec le rachat de QVF. Après la partie réactionnelle, nous nous sommes intéressés à la filtration et au séchage avec le rachat de Rosenmund, spécialisé dans ces domaines et désormais également dans le confinement et le transfert de poudre.
Par la suite, la stratégie du groupe a consisté à se développer en Asie, afin de suivre le mouvement de délocalisation de la production sur le marché des API. C’est ainsi que nous avons démarré la production d’équipements en Chine, il y a douze ans, et en Inde, il y a huit ans. Notre volonté n’a jamais été d’aller en Asie pour délocaliser des productions, mais pour accompagner une évolution du marché.


Où sont implantés vos différents sites de production d’équipements ?
J.M. : En Europe, nous produisons nos réacteurs et accessoires en acier émaillé à Zinswiller, en Alsace, où se trouve également le siège de la société. En Asie, nous produisons à Wuxi, près de Shanghai, uniquement pour le marché chinois. En Inde, l’usine que nous avions acquise, il y a huit ans, ne nous a jamais donné satisfaction, notamment en raison de la présence de nombreux compétiteurs qui rendent le marché difficile. C’est pourquoi, nous avons décidé de nous séparer de cette usine. Elle est actuellement en cours de cession. En revanche, nous conserverons notre bureau d’engineering à Mumbai pour nos clients européens installés en Inde et pour nos clients indiens. Nous produisons enfin des cuves émaillées aux États-Unis avec un atelier installé à Corpus Christi, au Texas. Nous avons 2 autres sites aux États-Unis, dans le New Jersey et en Caroline du Nord, dédiés au service clients et à l’ingénierie. Notre ligne de composants et systèmes en verre, est produite sur notre site de Mayence, en Allemagne. Pour ce qui est des activités de filtration-séchage (ex-Rosenmund), les équipements restent produits à Bâle,en Suisse, et à Semur-en-Auxois. Nos productions européennes s’adressent à plus de 50 % au marché européen. L’Asie, en particulier la Chine, importe très peu de filtres sécheurs, car les acteurs de la chimie s’approvisionnent localement.


Quelle est votre feuille de route, alors quevous avez rejoint la société, il y a un peu plus d’un an ?
J.M. : J’ai déjà travaillé, il y a quelques années, dans le domaine de la chimie fine, mais mon parcours plus récent m’a conduit à exercer une fonction de management dans le monde de l’engineering Oil & Gas dans une société internationale. J’ai été ravi de découvrir l’Alsace et une société héritière d’une longue histoire et bénéficiant d’une très bonne image. J’ai rejoint DDPS avec la mission de lui donner un nouvel élan et de la faire passer d’un statut d’équipementier pour la chimie fine et la pharmacie à celui de fournisseur de solutions plus globales tout encontinuant à fabriquer des équipements de grande qualité. Cette tendance avait déjà été amorcée, notamment avec la fabrication de skids capables d’intégrer plusieurs composants fabriqués en interne ou en externe, mais nous voulons aller plus loin.

Comment comptez-vous procéder pour mettre en oeuvre cette nouvelle stratégie ?
J.M. : Nous voulons accompagner nos clients le plus en amont possible dans les phases études de leurs projets pour les aider à prendre les bonnes décisions et à optimiser leurs investissements, en leur proposant des solutions complètes. À mon arrivée, pendant ma phase d’observation, j’ai rencontré beaucoup de clients en Europe, en Suisse, en Asie et j’ai constaté une forte demande pour des confinements d’unités afin de limiter les expositions des hommes et de l’environnement aux produits chimiques. Il y a aussi des besoins en matière d’économies d’énergie et de compétitivité des installations. Pour cela, nous allons renforcer nos ressources en engineering en créant une division special projects. Elle sera chargée justement de la coordination entre nos différents sites de production ou des sites extérieurs pour l’intégration de différentes technologies dans des solutions complètes. En général, les projets que nous traitons vont de 100 000 euros – ce qui est le prix moyen d’un réacteur - à 2 à 5 millions d’euros, si l’on combine ce réacteur avec des solutions de séchage ou de manutention. Nous avons toutes les capacités humaines et le know how nécessaire pour réaliser des études clés en main jusqu’au démarrage des installations. Ainsi, nous considérons que nous sommes capables de gérer des projets jusqu’à 25 M€, ce qui est déjà le cas pour certains projets que nous menons dans le domaine du traitement des acides. Sans marcher sur les platebandes des sociétés d’engineering classiques, pour des petits projets jusqu’à 5 M€, nous offrons un très bon compromis, du fait de l’élimination d’un intermédiaire qui rallonge le planning et engendre une dépense supplémentaire. Sur des projet à 40 M€, le recours à une société d’’engineering est préférable. C’est une question d’échelle.
En dehors de cette activité autour de projets, nous continuons à réaliser 30% de notre chiffre d’affaires dans les services, comme la fourniture et l’installation de composants, l’amélioration ou la remise à neuf d’équipements.


La crise sanitaire a mis en lumière notre trop grande dépendance vis-à-vis de la Chine et de l’Inde en matière de production de matières actives pharmaceutiques, avec une volonté de relocalisation. Pensez-vous que ce mouvement va bien avoir lieu car il reste la question de la compétitivité des acteurs européens de la chimie fine ?
J.M. : Le marché de la chimie fine est un marché mature en Europe, alors qu’il bénéficie d’une croissance assez spectaculaire en Asie. Depuis que j’ai rejoint le groupe, j’ai néanmoins pu constater qu’il était tout de même en croissance en Europe, avec une demande plutôt soutenue à laquelle on avait parfois du mal à répondre dans le domaine de l’émail. Aujourd’hui, nous croyons beaucoup au rebond de l’Europe, et notamment de la France, car il devrait y avoir un soutien des autorités publiques dans certains pays pour retrouver de l’indépendance sanitaire. D’ailleurs, nous
commençons à être sollicités, surtout en France, par certains acteurs de la chimie fine pour des projets de conception de nouvelles unités. Les discussions sont assez « amont ». Néanmoins, nous pensons voir un rebond dans nos carnets de commande à partir du quatrième trimestre de cette année et en 2021. Cela fait partie d’un tournant que l’on est en train de prendre et qui est une conséquence directe de la crise du Covid-19.


Que pouvez-vous dire sur vos investissements industriels et sur la part de la R&D dans votre entreprise ?
J.M. : Chaque année, nous investissons quelques millions d’euros dans nos sites de production pour améliorer la sécurité, l’automatisation et permettre à nos collaborateurs de travailler plus efficacement et dans de meilleures conditions. En parallèle, nous misons sur l’innovation pour consolider notre réputation et la qualité et apporter sur le marché des solutions toujours plus compétitives, avec une meilleure conception technique, une meilleure nettoyabilité, un meilleur mélange, etc. Je travaille actuellement à la structuration d’un département innovation qui sera plus à même de suivre la demande des clients. Toujours plus de fiabilité et de qualité dans les équipements, c’est ce qui permettra de compenser les coûts asiatiques.


Est-ce que vous vous intéressez à la flow chemistry ou procédés en continu ?
J.M. : En association avec un partenaire hollandais, la société InnoSyn, nous avons développé un skid pour mener jusqu’à trois étapes de réactions cryogéniques en continu. Le réacteur a été fabriqué en impression 3D. Baptisé CryoFlowSkid, il a été présenté, l’an dernier, lors d’un salon, à Francfort. Sa commercialisation est gérée par notre équipe de Mayence. C’est un premier pas vers les réactions en continu. Cela montre l’ambition du groupe de développer son offre dans ce domaine, en tant qu’ensemblier pour la réalisation de skids.

Ces solutions techniques nouvelles ne bénéficieront-elles pas aussi à vos clients asiatiques, alors que vous produisez en Chine ?
J.M. : En Chine, nous ne produisons pas les mêmes produits qu’en Alsace ou en Bourgogne. Notamment, nos meilleures technologies en matière de mélange et de nettoyabilité sont uniquement déployées en Alsace afin de protéger notre savoir-faire. De nombreux industriels peuvent fabriquer un réacteur émaillé ou un sécheur, mais les éléments brevetés qui l’entourent sont au coeur du savoir-faire de notre entreprise et nous ne voulons pas prendre le risque d’être copiés.

Récemment, vous avez aussi communiqué sur votre intérêt pour la chimie du végétal. Quelle est votre stratégie dans ce domaine ?
J.M. : Effectivement, un de nos axes de développement consiste à nous intéresser à la Plant based chemistry qui touche notamment les secteurs des arômes, des parfums et des ingrédients pour la cosmétique. À ce titre, nous avons ouvert un petit bureau à Grasse. Dans ce domaine, on utilise plutôt des équipements en inox que des équipements émaillés. Aussi, nous nous sommes structurés en Europe pour jouer un rôle d’ensemblier. D’ailleurs, depuis quelques mois, nous sommes entrés dans une phase d’identification de partenaires – des fournisseurs possédant des technologies très particulières qui sont souvent de petites sociétés. Il faut savoir s’associer pour compléter notre offre.

Y a-t-il d’autres domaines que vous investiguez ?
J.M. : Nous sommes en train de nous intéresser au recyclage des déchets d’amiante. Pour cela, nous venons de signer un accord de consortium avec le bailleur de licence Black Asbestos, le groupe Beck spécialisé dans le bâtiment et la société d’ingénierie Alsace Process Projets Industriels ou APPI. Ensemble, nous avons lancé le projet De Dietrich Waste Recycling, d’un coût total de 7,6 M€ sur trois ans. Un dossier a été déposé auprès de l’Ademe pour bénéficier d’une subvention. L’objectif est de construire une unité pilote à Talange, dans la région Grand Est, pour démontrer que le procédé, testé jusqu’à présent en laboratoire, fonctionne bien. Il est basé sur une neutralisation physico-chimique des déchets d’amiante dans un réacteur émaillé, permettant de récupérer des coproduitsvalorisables. Par la suite, nous espérons
déboucher sur la commercialisation de ce procédé.•

Propos recueillis par Sylvie Latieule et publiés sur InfoChimie

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